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Grand Paris, une métropole pas comme les autres

La Métropole du Grand Paris a été créée en 2016 par les lois MAPTAM et NOTRe pour définir et mettre en œuvre des actions métropolitaines visant à améliorer le cadre de vie de ses 7,2 millions d’habitants, réduire les inégalités entre les territoires qui la composent et enfin développer un modèle urbain, social et économique durable, leviers d’attractivité et de compétitivité au bénéfice de l’ensemble du territoire national, rappelle Nathalie VAN SCHOOR. Elle exerce deux compétences propres, en cohérence avec les politiques régionales, dans les domaines de l’environnement et du cadre de vie d’une part, de la gestion des milieux aquatiques et de la protection contre les inondations d’autre part. Elle exerce également trois autres compétences sous réserve d’un intérêt métropolitain : aménagement, développement économique et habitat.

La Métropole du Grand Paris se distingue aussi des autres intercommunalités par son panier de recettes fiscales extrêmement limité et sans pouvoir de taux. Elle dispose de 3 principales ressources : une dotation globale de fonctionnement (DGF) de 1,15 Md€, une dotation d’équilibre à hauteur de 958 M€ versée par les établissements publics territoriaux qui la composent (et qui ne sont pas des EPCI à fiscalité propre), des impôts économiques à hauteur de 1,5 Md€ (principalement TVA). Le budget global de la Métropole représente 3,8 Md€, dont 96 % sont reversées aux communes via les attributions de compensation (AC). Le budget propre de la Métropole représente 401 M€, répartis  à parité entre fonctionnement et investissement.

A) Protection contre les inondations

La sécurité passe par un bonne gestion des milieux aquatiques et une stratégie de résilience climatique et aquatique.

La compétence GeMAPI dans la Métropole du Grand Paris : une diversité d’actions indispensable

Le risque inondation est le premier risque auquel le territoire du Grand Paris est confronté. La Métropole a pris la compétence GeMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) au 1er janvier 2018 « héritant » de ce fait d’ouvrages de protection et d’organisations de gestion très hétérogènes. Elle doit donc faire face aux évènements de crue tout en prenant connaissance des ouvrages et élaborant sa stratégie d’intervention sur les cours d’eau. 

Celle-ci se structure selon 4 axes, explique Claire BEYELER. Il faut d’abord tenter de réduire la vulnérabilité des territoires et des activités en consolidant les 100 km de systèmes d’endiguement existants. Ce 1er axe comporte aussi le développement de quartiers et de réseaux résilients et une sensibilisation des populations. Un objectif clé est en outre d’accélérer la réalisation des grands ouvrages structurants de régulation des débits (réservoirs et zones d’expansion des crues). Le 2e axe consiste à redonner vie aux cours d’eau afin de ralentir les crues, protéger les zones humides et les zones d’expansion des crues. Le 3e est la restauration des capacités naturelles d’infiltration et d’écoulement qui limitent  le ruissellement de l’eau. Enfin, le 4e consiste à favoriser les projets de territoires pour travailler par bassin. Pour la Seine en particulier, la Métropole construit sa politique et ses partenariats avec le bassin amont et le bassin aval afin d’apporter cohérence et solidarité dans la gestion de l’eau.

La GeMAPI dans l’Eurométropole de Strasbourg

L’Eurométropole de Strasbourg, dirigée par Bruno Koebel, exerce la compétence GéMAPI sur son territoire (500 km de cours d’eau), avec de nombreux gestionnaires de cours d’eau et de petits syndicats. La qualité des masses d’eau est globalement moyenne, de nombreux projets de restauration des milieux aquatiques sont programmés sur la période 2025-2027 : pose de banquettes, restauration de zones humides, reméandrage ou reconnexion à l’ancien lit, redynamisation hydraulique, création de mares… Sont également prévus des travaux de prévention des inondations : barrages, digues et création de zones d’expansion des crues. Quatorze communes sont concernées par le risque de coulées de boue, d’où un programme d’hydraulique douce, d’assolement concerté et de sensibilisation à l’agriculture de conservation des sols, en partenariat avec la Chambre d’agriculture.

La gestion du risque inondation aux Pays-Bas et à Rotterdam

Les Pays-Bas s’étendent sur le delta de 4 fleuves dont le Rhin et la Meuse et leur territoire est inondable à 60 %, dont 26 % se trouvant en-dessous du niveau de la mer. Rotterdam appartient à la région de Hollande du Sud (50 communes). Elle est construite sur des polders et dépend de plus de 1000 stations de pompage qui évacuent l’eau de pluie et les eaux usées. Chaque ménage paie près de 600 € de taxes par an au titre de la gestion de l’eau. Tous enjeux confondus (qualité, quantité, sécurité, approvisionnement), l’eau représente une grosse part des budgets des collectivités et de l’État.

Il y a 3 conseils de l’eau (water boards) à Rotterdam, dont 2 existent depuis le 13e siècle. Leurs membres sont démocratiquement élus tous les 4 ans. Ils supervisent les projets d’aménagement, l’approvisionnement en eau pour les entreprises et les particuliers (par des entreprises), ainsi que les installations de drainage et d’assainissement (sous la responsabilité des communes). 

Le programme national Delta a pour objectif d’adapter le territoire au changement climatique, il se déploie à plusieurs échelles en impliquant toutes les collectivités et institutions concernées pour agir sur la prévention (réduire la probabilité d’inondation), l’urbanisme (« Vivre avec l’eau ») et la gestion de crise (limiter le nombre de victimes et les dégats matériels). Un autre programme national intitulé «Room for the river » se projette à l’horizon 2100/2150 en étudiant 4 scénarios. Rotterdam déploie à son échelle un grand nombre de moyens :  végétalisation des sols, intégration de stockages temporaires sous diverses formes (waterplazas…) dans l’espace public, réservoirs d’eau de pluie, réouverture de canaux, création de jardins suspendus… Mais comme le souligne Corjan GEBRAAD, 60 % de l’espace est entre les mains de propriétaires privés. Fédérer les initiatives privées allant dans le sens de la stratégie est donc aussi un enjeu clé. 

B) Logistique urbaine

Tandis que les volumes transportés explosent et que les innovations fusent sur tous les continents, il est urgent de réguler 

Nouveaux enjeux et nouvelles solutions de la logistique urbaine 

Les travaux de recherche pilotés par Laetitia DABLANC montrent que la logistique urbaine change de façon accélérée et convergente dans les grandes villes autour du monde. Les mutations technologiques apportent des solutions similaires comme les applications numériques de commandes pour des livraisons « instantanées » ou les nouvelles données issues des technologies de gestion de la circulation et du stationnement en ville. Les grands groupes mondiaux (DHL, Amazon, Meituan, Prologis) rendent des services qui s’uniformisent d’une ville à une autre tandis que la « urban freight tech », locale, emprunte ses modèles économiques et ses algorithmes aux entreprises précurseures. L’immobilier logistique urbain devient un produit standardisé et se structure autour des formats d’entrepôts verticaux, hôtels logistiques et micro-hubs logistiques. Les modes de transport de la logistique urbaine se diversifient autour des véhicules zéro émission et de la micro-mobilité mais l’offre des constructeurs reste encore relativement fragmentée, faisant demeurer le problème du coût ou de la robustesse de ces nouveaux véhicules. 

Voici le « best of » du moment en matière de politiques de logistique urbaine 1. Chartes, forums et freight partnerships (partenariats de fret) à Londres et Paris 2. Low Emission Zone à Londres 3. Livraisons ‘off-peak hour’ (hors heure de pointe) à New York 4. Curb management, partage de l’espace public à Barcelone et Seattle 5. Nouvelles données aux Pays-Bas, Bruxelles, Barcelone 6. Urbanisme logistique à Paris.

La France est assez pauvre en données documentant la circulation sur son territoire (pas de caméras LAPI notamment) – même si elle possède les outils qui permettraient de les analyser. Par ailleurs des champs d’action importants restent strictement encadrés et peu décentralisés: péage urbain, contrôle sanction automatisé pour les ZFE, gestion du contrôle des aires de livraison.

IKEA livre par bateau à Paris

IKEA a mis au point un process de logistique urbaine bas carbone à partir de son entrepôt de Gennevilliers (10 km de Paris). Pour les clients parisiens, la livraison à domicile se fait par la Seine à raison de 4 h de bateau puis par véhicule électrique pour le « dernier kilomètre » entre le port de Bercy et l’adresse de livraison. En 2023, par rapport au système classique de livraison par camion, la mise en place de ce service a permis d’éviter l’entrée de 8000 véhicules dans Paris et de diviser par 5 les émissions de CO2 par tonne transportée. Il permet aussi de fiabiliser et de multiplier les créneaux de livraison pour les clients, qui sont livrés en 48 h. Les conditions de la réussite, selon Emilie CARPELS, résident dans la précision milimétrée des opérations logistiques (équipements, process), dans la coordination de partenaires logistiques experts (dont Trusk, B2H, Sogestran), d’autorités portuaires (VNF, Haropa) et de collectivités (région Ile-de-FRance, ville de Paris). L’existence d’infrastructures portuaires et la maîtrise foncière (entrepôts) est évidemment clé. IKEA ouvriva bientôt un nouvel entrepôt à Limay, à 50 km en aval de Paris, soit 7 heures de bateau, ce qui lui permettra d’étendre la zone couverte par son offre de livraison fluviale.

Vers des autorités régulatrices de la logistique des aires urbaines 

Les aires urbaines sont de plus en plus confrontées à la nécessité de réguler la logistique du dernier kilomètre et construisent, à côté des missions d’autorité organisatrice de mobilité, des missions d’autorité régulatrice de la livraison. La Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) aide à l’émergence de ces nouvelles autorités. Cette politique, explique Xavier-Yves VALÈRE, poursuit deux axes : structurer une gouvernance publique / privée opérationnelle à l’échelle des aires urbaines et construire des communs nationaux qu’elles pourront mobiliser.

Une politique publique de la logistique urbaine a trois enjeux majeurs : 1. Harmoniser/articuler les règlements de circulation et de stationnement et les faire prendre en compte par les applications d’aide à la circulation 2. Mobiliser la boite à outils de l’urbanisme pour mettre à disposition des ressources foncières pour les activités logistiques, notamment celle du dernier kilomètre 3. Accorder un avantage concurrentiel aux acteurs qui font l’effort d’une transition vers une logistique décarbonée, en particulier dans les ZFE.

InTerLUD+ est une communauté de collectivités engagées sur la logistique urbaine durable, à partir de la rédactions de chartes, dont une cinquantaine existent déjà.

C) Attractivité des centres-villes 

La métropole du Grand Paris est très investie dans une politique globale de soutien à la  dynamisation des centres-villes.

Le programme « Centres-Villes Vivants » de la Métropole du Grand Paris

La Métropole veut tendre vers une métropole polycentrique composée de centralités attractives pour tous les habitants. C’est le sens de son programme « Centres-Villes Vivants », exposé par Ronan MAHEO. Lancé en 2018, il accompagne les communes volontaires dans leurs projets de revitalisation des centres-villes. Ce programme doté de 15 M€ prévoit, outre la création d’une foncière (cf. infra), un réseau métropolitain des managers de commerce et de centre-ville, des Assises métropolitaines, un Observatoire de l’attractivité (hub de données accessibles aux communes), un accompagnement technique et financier des communes dans leurs projets de revitalisation de leur centre-ville… 

Le dispositif s’appuie sur de nombreuses expertises externes ou internes à la métropole : commerce, artisanat, tourisme, culture, logistique, économie circulaire et solidaire, innovation, numérique, DATA/IA, aménagement, mobilité, habitat, nature en ville, plan alimentaire, etc. Au total, 96 communes sont entrées dans le programme et 402 projets ont déjà été soutenus.

Une foncière de revitalisation du commerce de centre-ville

La Métropole du Grand Paris est un vaste territoire aux réalités très contrastées. Selon une étude menée en 2020, 71 communes de la MGP présentent un besoin important de revitalisation dont 40 seraient prioritaires. On compte 141 000 rez-de-chaussée commerciaux sur son territoire, dont 7 % à 8 % seraient vacants soit environ 11 000 locaux.

Créée en 2023, la foncière « Centres-Villes Vivants » dirigée par Marine ONFRAY a été conçue comme un outil au service des maires pour leur apporter un concours financier et opérationnel dans leur stratégie de maitrise des emplacements stratégiques de leur cœur de ville (préemptions de murs, de baux et de fonds de commerce, acquisitions de gré à gré). Ses membres fondateurs sont la MGP, la Banque des Territoires, le Crédit Agricole Ile-de-France, la CCI Paris Ile-de-France, la Chambre des métiers et de l’Artisanat et le marché de Rungis. Capitalisée à hauteur de près de 25 M€ au lancement (70 M€ à terme) elle compte investir 140 M€ sur 10 ans soit environ 400 murs de boutiques. 

La foncière n’investit que dans des locaux répondant à des critères d’implantation stricts garantissant leur commercialité. Leur prix doit être dans la moyenne du marché de la commune, avec un rendement locatif brut supérieur à 7 % et un retour sur investissement supérieur à 5 %, en tenant compte des besoins de rénovation, dela nature de l’activité commerciale visée et des mesures d’accompagnement du locataire.

Le programme européen Urbact Cities@Heart

Ce partenariat réunit 10 collectivités européennes qui travaillent ensemble pour dynamiser leurs centres-villes et évaluer les politiques publiques associées. A mi-parcours, quelques bonnes pratiques présentées par Léonie YANG et Mar SANTAMARIA émergent sur les enjeux clés tels que la gouvernance et l’identité des centres-villes, le positionnement de l’offre commerciale, l’apaisement de l’espace public et la lutte contre l’étalement urbain. Les villes travaillent également sur des indicateurs communs et des outils de mesure. La Métropole du Grand Paris est cheffe de file de ce programme européen.